Invités festival Paroles Indigo

édition 2023, Arles

Olga Yameogo

Un long chemin qui vient à nous
Au commencement, ce sont des ocres, de la terre brûlée qui colle aux visages et aux murs des maisons. Une poussière première, une majuscule, posée par le vent et la pluie. Cette couleur que l’on emporte quand on quitte son village.
Sur ses premières toiles, qui datent d’une trentaine d’années, Olga Yaméogo parlait déjà de ce mouvement obligé. Le départ se répète en permanence. Il faut plonger dans ces ombres violentes, comme elle les peint en 2002. Des corps accrochés dans l’immense lumière, des toiles traversées de lignes barbelées. C’est d’exil qu’il est question et d’arrachement. De cette vision qui revient la nuit, par les songes et les peintures.
Dans un film que lui consacre RFI (2019), Olga Yaméogo laisse entendre son passage tardif à la peinture, « comme une nécessité de se bâtir différemment ». Peindre participe d’une liberté qu’elle s’autorise. La liberté de se (re)trouver aussi une place entre la terre d’ici, à Ouaga, et celle de là-bas, dans les vibrations bleutées de la plaine toulousaine.

Chacune a ses époques et chacune ses sentiments. A la toile maintenant de les traduire.
Au fil des années, le sentiment trouve d’autres résonances. Pourtant, les thématiques restent les mêmes. A savoir ce déplacement auquel les hommes sont obligés. Les années 2005-2010 sont celles de la migration. Forcée, interdite, maudite, résolue… L’une de ses dernières séries, « Partir (2014-2015) » est à cette image. Groupes en mouvement, lenteur des gestes, fatigue immense, lumière mélancolique. L’Afrique est loin désormais. On songe aux plaines immenses de l’Europe centrale. Mêmes foules, mêmes misères en mouvement. « Parce que la terre est semblable, dit-elle, la pauvreté est identique, ici ou là-bas.»
Au commencement… et aujourd’hui encore, la peinture d’Olga Yaméogo parle donc avec constance du déplacement. Mais elle ancre désormais dans cette masse d’histoire, l’individu, le singulier, l’âme passante. Les visages ont recommencé à se dessiner. Ils se cherchent, les traits embués. Et de façon plus nette, le sentiment leur revient.
C’est une chose tellement fragile. Les années 2010 et 2015 la voient s’attarder à des souvenirs intimes. Le regard d’une jeune fille, peut-être l’image que conserve sa mère, la pose que prend un petit garçon… Ce sont des fins d’après-midis dans la lumière qui se souvient. Les ocres reviennent encore, des touches de sienne, des clartés aussi au travers d’un invisible rideau. L’Afrique est juste de l’autre côté. On entend le rire d’un enfant et la part de l’insouciance. Terre promise, terre retrouvée.
Roger Calmé (ABA mag’)